106 rue des alliés
Mardi 11 juin on vous attend à l'Ahwhanee (106 rue des Alliès) pour une nouvelle projection! Ouverture des portes à 19:30 avec repas et à 20h projection du film "Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon",le tout à prix libre!
À propos du film, le réalisateur, Elio Petri dira: "le thème d'Enquête...est relatif à l'autoritarisme. Je le compare à un poison, un poison qui serpente dans le cœur, dans l'esprit et dans la psychologie de l'être humain".
Même si le film met en scène un caractère grotesque, paradoxal et parfois surréel, on est sans doute face à un film ouvertement politique et dénonciateur de chaque contrôle, autoritarisme, et pouvoir fort. De plus l'analyse psychologique des personnages vise à nous montrer les mécanismes intérieurs du pouvoir même.
Le contexte historique parle de l'Italie de fin années 60, dans lequel se prépare un climat très particulier : grèves, occupations des usines et des universités, extrémisation de la dialectique politique, le communisme prend place, ainsi que les violences policières, jusqu'à la lutte armée. Plus tard, dans les années 70, des bombes seront placées dans les trains, sur les places, témoignant d'une forme de terrorisme pilotée de haut, ce qui historiquement sera appelée la "stratégie de la tension".
Contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'un film sociopolitique sur le pouvoir, on a l'impression de voir un policier au début, mais un policier étrange, inversé : dans la première scène on assiste à un meurtre, mais contre toutes les règles du policier, on montre en réalité au spectateur qui est l'assassin. Et encore, à suivre, le thème du renversement continue, tout devient contraire de tout : criminels qui deviennent victimes et vice versa, assassins qui font tout pour se faire démasquer, la repression conçue comme civilité, la loi qui enfreint la loi en opérant au-dessus d'elle-même, jusqu'à la confession du pouvoir où le coupable essaye sans arrêt de se dénoncer pendant que ceux qui l'interrogent démontent incessamment sa confession dans un discours où le pouvoir parle à soi même. Le retournement règne, ça nous montre que quand le pouvoir devient puissant il n'a plus de règle, et souvent les grandes pouvoirs n'en ont plus ( voir par example les annés '70 en Italie: années de plomb), donc ils deviennent dangereux parce qu'on pense pouvoir pousser les choses toujours un peu plus loin, comme un défì continuel. Ici Petri nous montre le defi d'un homme qui représente le pouvoir, en en faisant lui-même partie intégrante, un citoyen au-dessus de tout soupçon ; qui veut démontrer, en faisant ce qu'il veut, combien l'autorité est intouchable et aura dans tous les cas toujours raison.
Dans ce film c'est l'institution policière qui incarne le pouvoir, mais c'est aussi la représentation de tous les types de pouvoirs forts, comme l'état et bien d'autres. On peut imaginer, donc, le thème de l'autorité, du pouvoir qui s'élève au dessus de ce contexte historique specifique pour s'étendre au delà des barrières géographiques et culturelles. L'oeuvre a subi censures, dénonciations et pressions, aussi de la part de l'institution policière, mais pas que, en risquant de ne pas rejoindre les salles cinématographiques, étant considérée subversive. Heureusement les primes à Cannes et l'Oscar lui ont permis la notoriété.
L'esthétique des cadrages est particulièrement soigneé. Les mouvements de la camera nous accompagnent dans le climat de chaque scène, toujours cohérentes avec les émotions des personnages. Le scénario est très efficace, sans aucune faiblesse et la remarquable bande sonore d'Ennio Morricone soutien le tout.