Depuis de nombreuses années, l'agglomération grenobloise souhaite construire son développement économique sur les nouvelles technologies et la recherche scientifique avancée. Cette volonté de devenir une « technopole » regroupant universités, laboratoires de recherche, et industries de haute technologie vise à attirer des ingénieurs et cadres supérieurs, d'importants capitaux, et de valoriser l'image de la ville.
Cette volonté de développement technologique et scientifique s'est traduite ces dernières années par d'importants investissements publics pour soutenir la création et le fonctionnement de centres de recherche parmi lesquels :
- Minatec, un centre de recherche européen en micro et nanotechnologies (1) ;
- Clinatec un laboratoire de recherche biomédicale visant notamment l'application des nanotechnologies dans le domaine médical ;
- Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Grenoble, un des trois centres de recherche sur l'atome français ;
- Le Centre de recherche du service de santé des armées (CRSSA), spécialisé sur les effets sanitaires des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ;
Institut Laue-Langevin (ILL), centre de recherche international sur les technologies neutroniques.
Elle s'est également traduite par des aides financières et matérielles à l'implantation d'entreprises privées de haute technologie, parmi lesquelles :
- STMicro-electronics et son site de Crolles 2 dans le Grésivaudan, réalisant notamment des micro et nano-puces pour téléphones portables ;
- Delta Drone, une entreprise fabriquant des drones aériens (n'ayant pas besoin de pilotes).
Face à ces financements publics majeurs de structures à l'activité opaque et potentiellement dangereuse pour la santé, l'environnement et la démocratie, de nombreux collectifs ont cherché à s'opposer à l'implantation locale et au financement par des collectivités locales de ce qu'ils appellent les nécro-technologies (qui amènent la mort). Les principaux arguments pour justifier l'arrêt de ces implantations, voire leur démantèlement sont les suivants :
- l'implantation de ces industries et centres scientifiques s'est faite sans aucun débat démocratique, ni au niveau national ni au niveau local : les premières personnes concernées en cas d’accident, de rejets polluants ou radioactifs, c'est à dire les Grenoblois·e·s, n'ont jamais été consultées. Cette absence de démocratie est de plus masquée derrière la mise en place de faux débats publics consultatifs, les projets étant déjà entièrement décidés à l'avance (2) ;
- le financement des centres de recherche, comme les subventions versées aux industries s'implantant dans la région, constituent autant d'argent public dépensé à des fins privées, les bénéfices étant par la suite dans leur majorité captés par les industries concernées (3) ;
- dans une logique de course au développement technologique, le principe de précaution n'est jamais appliqué et les conséquences potentiellement néfastes (dans le processus de mise en place comme dans le résultat final) de ces recherches ne sont pas pris en compte. Pour exemple, les risques d'accident nucléaire entraînés par l'implantation du CEA proche d'une grande ville comme Grenoble sont négligés (4), la pollution des cours d'eau du Grésivaudan par le site de Crolles 2 est niée (5), et les conséquences de l'impantation de nanopuces dans le cerveau humain sont méconnues (6) ;
- le développement de ces technologies constitue une fuite en avant vers une société hyper technologique dont nous appréhendons mal les contours et les utilisations futurs : que sera un contrôle policier permis par la multiplication de drones aériens (7) et la diffusion de nano-particules traçant nos déplacements ? Que deviendrons nos cerveaux une fois bardés d'implants électroniques pour améliorer leurs performances ?
Dans l'agglomération, différents collectifs se sont mobilisés contre le développement technologique de l'agglomération, nous pouvons en citer ici quelques-uns :
- le collectif Pièces et Main d'Oeuvre (PMO), animant un site web et produisant des textes afin d'émettre une critique radicale des nouvelles technologies, du complexe militaro-industriel, des nanotechnologies, des biotechnologies... ;
- la maison d'édition Le Monde à l'envers, ayant publié différents ouvrages critiquant les évolutions vers une société ultra technologique ;
- le collectif Nanovent, qui a monté un spectacle parodique sur Grenoble et les nano-technologies ;
- l'opposition grenobloise aux nano-technologies (OGN) qui a organisé des conférences / ateliers / débats partout en France pendant le premier semestre 2006.
La chronologie des luttes contre la technopole grenobloise se calque sur l'implantation et le financement des différents sites dont nous avons parlé plus haut, mais certaines périodes furent particulièrement denses en événements :
- le 1er juin 2006, alors que Minatec doit être inauguré en grande pompe, une manifestation contre ce centre de recherche fut violemment réprimée par l'utilisation de lacrymogènes, flashballs, grenades de désencerclement et faisant de nombreux blessés. Le lendemain, le quartier était entièrement bouclé par la police, les opposant·e·s ont été arrêté·e·s et placé·e·s en garde à vue, tout rassemblement était dispersé avec violence. Plus tard, les associations subventionnées par la mairie et ayant participé à la lutte contre Minatec verront leurs subventions amputées (8) ;
- en 2009, les faux débats publics organisés pour faire accepter les nano-technologies (2) sont perturbés par les opposant·e·s aux nécro-technologies qui dénoncent la mascarade à l'oeuvre ;
- en 2011, lors de l'inauguration de Clinatec (faite en toute discrétion), les opposant·e·s à son ouverture communiquent sur les activités à venir de ce laboratoire d'application des nanotechnologies à la médecine.
(1) Le terme nanotechnologies désigne l'ensemble des technologies étudiées et conçues à l'échelle du nanomètre (le millardième de mètre).
(2) Pour exemple, 57 débats publics ont été organisés en France en 2009 dans une campagne d'acceptabilité des nano-technologies, alors que Minatec principal laboratoire de recherche sur les nano-technologies a été construit en 2006 : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=224
(3) Pour exemple, le site de Crolles 2, en plus d'avoir nécessité la réorganisation de l'ensemble du circuit d'eau de la commune de Crolles, a entrainé le versement de 148 millions d'euros de la part des collectivités locales, alors que l'entreprise ayant son siège social en Suisse, elle est exonérée d'une bonne partie des contributions sociales qu'elle doit à la France (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article101). Par ailleurs, la plupart des résultats des recherches réalisées dans les centres de recherche fortement subventionnés sont par la suite utilisées à des fins commerciales et lucratives.
(4) http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Destot_Fukushima.pdf
(5) http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article101
(6) http://www.grenoble-ecologie-solidarite.fr/grenoble2008/IMG/pdf/09-09-HS-DEF.pdf
(7) Même si la société Delta Drones ne produit pas de drone à usage militaire et policier, elle développe cette technologie qui pourra alors être utilisée à d'autres fins par la suite.
(8) http://rebellyon.info/Proces-de-Minatec.html