On a tendance à se méfier de sa banque. Même si le temps a passé depuis que Woody Guthrie chantait The Jolly Banker, raillant le banquier content de lui, toujours prêt à enfoncer encore un peu la personne miséreuse sous couvert de lui venir en aide, les banques non seulement n’ont pas changé leur pratiques, mais sont devenues toujours plus puissantes. De nombreuses organisations s’interrogent sur ce que serait aujourd’hui une « bonne » banque, et proposent une petite classification que nous avons essayé de résumer ici. Une bonne banque serait :
Les client·e·s dont les fins de mois sont difficiles sont ceux qui assurent la prospérité de la banque. Aujourd’hui, 63 % des bénéfices des banques proviennent des frais qu’elles imposent à leurs client·e·s dans leurs activités de dépôt, et il y en a de toutes sortes, au gré de l’imagination de votre banquier : outre les agios, qui sont facturés à un intérêt de 10 % de la somme manquant sur le compte, ou entre 15 et 19 % si la personne a dépassé son découvert autorisé, les banques se permettent de prélever des « commissions d’intervention » pour punir les personnes qui auraient le mauvais goût de se retrouver sans le sou. Elles prélèvent également des frais de tenue de compte, des frais en cas de non-activité sur le compte, des frais si le·la client·e ose retirer de l’argent dans un distributeur appartenant à une autre banque, des frais si la personne ne vient pas récupérer son chéquier au guichet à temps, des frais pour lui adresser son chéquier par la poste, etc. Et si vous n’êtes pas un·e client·e intéressant·e, si vous n’avez pas beaucoup d’argent, sans pour autant être régulièrement à découvert et qu’en plus vous refusez les offres financières qui vous sont proposées, vous pouvez tout simplement vous faire virer de votre banque, qui prend l’initiative de fermer votre compte. Or les banques appliquent leurs règles à une clientèle en partie captive : le parcours est tellement compliqué pour changer de banque que bien peu de personnes mettent les banques en concurrence (environ 3 millions de comptes quittent une banque pour une autre chaque année, sur 67 millions).
Aujourd’hui c’est la Banque postale qui propose les frais de base les moins élevés, notamment en raison de son obligation d’accueillir tout le monde et de conserver la possibilité d’ouvrir un Livret A dès 1,5 euros.
Après la crise de 1929, aux États-Unis, et en France à partir de 1944, les activités des banques avaient été séparées : d’un côté les activités de dépôt, celles qui consistent à assurer la gestion des comptes et les prêts courants pour les particuliers et les entreprises, et de l’autre côté les banques d’affaires, celles qui placent leur argent sur les marchés financiers, aux risques et périls de leurs client·e·s. Cette distinction n’a plus cours en France depuis une décision de Jacques Delors en 1984, qui rassemble ces activités et crée donc les « banques universelles ». La crise financière de 2008 a bien montré en quoi les fantaisies des banques d’affaires sur les marchés financiers avaient coulé l’économie réelle, mais le lobby bancaire a (sans grande difficulté, sans doute) dissuadé le gouvernement de réintroduire cette distinction pour protéger les épargnants et les entreprises. Aujourd’hui, aucun garde-fou n’a été imposé au secteur bancaire après ses déboires sur les marchés financiers, bien au contraire, après l’avoir renfloué sans contrepartie, ce sont les citoyens qui sont sommés de se serrer la ceinture.
À l’heure actuelle, la Nef est une banque qui n’a pas d’activité de spéculation (la Banque postale est propriétaire d’Easybourse, société de courtage en ligne).
On trouve 577 filiales de banques dans les paradis fiscaux. Les cinq plus grosses banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société générale, Crédit mutuel, BPCE) réalisent 13,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires dans les paradis fiscaux. La Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires a mené une grande enquête à ce sujet, et montre bien à qui profitent les paradis fiscaux et en quoi ils sapent les fondements mêmes de la démocratie.
L’organisation Les Amis de la Terre et le cabinet de conseil en développement durable Utopia ont publié en 2010 le premier classement carbone des banques françaises. En effet, le financement par les banques des activités des entreprises les plus polluantes fait d’elles des acteurs à l’empreinte carbone très lourde : en moyenne 5000 € déposés sur un compte en banque ou un fonds en action polluent, indirectement, autant qu’un 4x4, en un an !
Le document complet peut être consulté à l’adresse suivante :
http://www.amisdelaterre.org/Parution-du-premier-classement.html
En France, la banque la plus polluante est le Crédit agricole, notamment en raison du financement des secteurs du pétrole, du gaz et du charbon, qui pèse très lourd dans son bilan. Les banques les moins polluantes sont la Banque postale (qui n’investit pas dans les entreprises), le Crédit coopératif (qui finance principalement les PME et le secteur associatif) et la Nef (qui n’investit que dans des projets écologiques et sociaux).
Placer les banques sous contrôle citoyen effectif permettrait sans doute de régler une partie du problème, mais en attendant, il est possible de ne pas contribuer à aggraver la situation à son insu.
Sources : Attac & Basta !, Le Livre noir des banques, Les liens qui libèrent, Paris, 2015-06-19
Les dossiers du Canard enchaîné, Ces très chers banquiers, avril 2015-06-19
Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, http://www.stopparadisfiscaux.fr/
Les Amis de la Terre, http://www.amisdelaterre.org/