Crolles 2 - STMicroelctronics

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Les dessous de la cuvette Les structures présentées sur le tamis ne sont pas toujours des alliées

Usine de nanopuces

Saviez-vous que nous avons le privilège d’accueillir sur notre territoire « un des fleurons de l’industrie française », qui nous vaut des visites présidentielles régulière et fait la fierté de nos élu·e·s ?! [1]

Et oui ! STMicroelectronics, entreprise franco-italienne qui fabrique des puces électroniques, est une des leaders sur le marché mondial de l’électronique et des nano-technologies. Une de ses usines est installée à Crolles, où elle employait 4300 salarié·e·s en 2021. [2]

STMicroelectronics produit des puces que l’on retrouve dans des objets très variés de notre quotidien, dont l’utilité est plus ou moins discutable : les ordinateurs et smartphones, bien sûr, mais également du matériel médical, des missiles militaires, les caméras de surveillances, des voitures ou toute une série d’objets connectés allant de la montre au frigo, en passant par la corde à sauter ou le barbecue !

Entreprise franco-italienne avec la plupart de ses sites de production en France et en Italie, le siège sociale de STMicroelectronics est pourtant basé à Amsterdam, ce qui permet à l’entreprise de payer ses impôts aux pays-bas [5] (qui est considéré comme un des cinq paradis fiscaux de l’UE par le parlement européen [3]).

Bien que souvent mis en valeur par les élu·e·s locaux, l’usine de Crolles pose un certain nombre de problèmes et fait l’objet de critiques, d’autant plus depuis l’annonce de son agrandissement en 2022.

 

* Le projet d’agrandissement

En 2015, une première enquête publique rend un avis favorable pour la création d’une nouvelle unité de fabrication. Mais le carnet de commande n’étant pas assez rempli à ce moment-là, les travaux sont restés en suspens [6]. La santé financière de STMicroelectronics se portant mieux ces dernières années, le projet d’agrandissement a repris, avec le soutien de l’UE et du gouvernement français. En visite officielle à Crolles en juillet 2023, Emmanuel Macron a annoncé le soutien de l’état à hauteur de 2,3 milliards d’euros [7]. Au total, le projet d’agrandissement (d’une enveloppe totale de 5,3 milliards d’€) vise à doubler les 15000 m² de son usine de Crolles, dans le but de produire deux fois plus de puces. [4]

 

* L’eau, un bien commun, capté pour des besoins industriels

La production de puces électroniques nécessite une technologie de pointe extrêmement gourmande en eau car il faut rincer les plaques de silicium de nombreuses fois au cours du processus. Pour cela, STMicroelectronics a besoin d’une eau « ultra pure », c’est à dire de l’H²0 pur, débarrassé de tout autre composé chimique (calcaire, autres sels minéraux, ions, etc.). L’eau de Grenoble est déjà relativement pure dans les nappes phréatiques, ce qui diminue pour l’industiel le coût de son traitement avant de pouvoir s’en servir et qui rend l’implantation de l’usine dans la région grenobloise stratégique. L’utilisation de l’eau par STMicroelectronics est très bien décrite dans cet article [8] si vous voulez en savoir plus sur la question.

Quand on parle d’une industrie gourmande en eau, on parle de 13 500m3 par jour en 2023. D’après STMicroelectronics, après l’agrandissement, le site consommera 33 500m3/jour, soit 387 litres d’eau par seconde, ou plus de 13 piscines olympique par jour... [9] Pour donner un ordre de grandeur, cela reviendrait à vider la méga bassine de St-Soline en 22 jours !… Près de 65 % de cette eau viendra d’une des deux principales nappes phréatiques servant à l’approvisionnement en eau potable de l’agglomération grenobloise « la Romanche » à Vizille. Le reste sera directement pompé dans la nappe phréatique située à proximité de l’usine. [9]

Si les principaux besoins en eau de l’usine servent au nettoyage des plaques de silicium, environ 25 % de la consommation en eau de ST est utilisée par son système de climatisation. En effet, pour les besoins de la fabrication, il faut maintenir les salles blanches (où sont fabriquées les puces) à 21°C tous les jours de l’année. La préfecture a autorisé ST à faire des forages dans la nappe phréatique située sous l’usine pour couvrir ses besoins en eau lié à la climatisation [11]… On peut imaginer que pour rafraîchir ses chaînes de montage, STMicroelectronics aura surtout besoin d’eau durant l’été… ..période où les nappes sont les plus basses !…

STMicroelectronic annonce qu’elle va recycler une partie de l’eau qu’elle consomme. Entendons-nous bien : après avoir servi au nettoyage des plaques, il est quasi impossible de rendre de nouveau l’eau « ultrapur » et donc de nouveau utilisable pour le nettoyage des plaques. En guise de recyclage, STMicroelectronic compte utiliser une partie de l’eau polluée par le rinçage des plaques pour une partie de ses besoins en eau pour le refroidissement de ses bâtiments. Et l’eau sera toujours aussi polluée à la sortie ! [9]

 

* Des dérogations accordées aux industriels, même en période de sécheresse

Dès 2009, le Postillon alertait sur le fait que la préfecture donnait des dérogations aux industriels, qui continuaient d’avoir le droit d’utiliser toute l’eau qu’ils voulaient alors que tous les autres (habitant·e·s, communes, paysan·ne·s) étaient soumis·e·s à des restrictions importantes. Ces dérogations ont depuis été renouvelées années après années [10]. Alors que les périodes de sécheresses se multiplient, cela ne peut qu’interroger... Faire tourner une usine de puces en pleine sécheresse est-elle plus importante que de pouvoir arroser des champs et sauver des récoltes ?…

 

*  Des rejets de polluants en grandes quantités dans l’Isère

Au delà de l’énorme consommation en eau de l’usine, l’autre problème de taille est la pollution de cette même eau… En lavant les plaques de silicium, l’eau récupère tout les produits chimiques liés au processus de fabrication. « Selon les propres chiffres de ST (déclaration environnementale de 2021), 20 000 tonnes de produits chimiques sont utilisés chaque année sur le site de Crolles, un chiffre qui pourrait doubler dans les prochaines années avec l’augmentation de l’activité. L’eau ultrapure entre en contact avec la quasi-totalité de ces 20 000 tonnes et se fait donc polluer par des acides fluorhydriques et sulfuriques, des métaux lourds (tungstène, titane, tantale...), de l’ammoniaque, de l’aluminium, du cuivre, de l’arsenic etc » [8]

Bien que l’usine soit équipée d’une station de traitement des eaux et dépollue une partie de cette eau, il n’en reste pas moins que de l’eau polluée (dans la légalité des seuils en vigueur) est reversée dans l’Isère. Selon STMicroelectronics, en 2021, ces rejets représenteraient par an « 5 465 kilos de phosphore, 43 800 kilos d’azote ammoniacal ou 182 kilos d’aluminium [8] ». Et tout cela avant l’agrandissement de l’usine ! De plus, avec les changements climatiques, le débit des rivières est plutôt amenée à baisser, ce qui va rendre la dillution de la pollution dans les rivières plus difficile...

 

* L’aménagement des réseaux pour les besoins de l’usine, au frais des collectivités locales

En 2023, la totalité de l’eau consommée par les deux usines vient du réseau d’eau public. Il s’agit donc d’eau potable, acheminée principalement depuis le champ captant dit « Romanche » à Vizille, jusqu’à Crolles par la Société Publique Locale des Eaux de Grenoble Alpes [5]. Les besoins en eau allant augmenter avec l’agrandissement, la préfecture a autorisé STMicroelectronics a percer 3 forages dans la nappe phréatique sous l’usine pour compléter ses besoins en eau (voir plus haut).

STMicroelectronics, entreprise privée, utilise donc le réseau d’eau publique et ses infrastructures pour ses propres besoins. Pour rappel, les infrastructures du réseau des Eaux de Grenoble sont financées par les taxes que l’on paie sur nos factures d’eau, mais aussi par les collectivités locales, donc nos impôts. [12]

Plus dérangeant encore, les besoins en eau de l’usine augmentant sans cesse, STMicroelectronics est arrivé à plusieurs reprises à imposer ses besoins aux collectivités territoriales, qui ont pris à leur charge des travaux pour augmenter les capacités du réseau… par exemple, « En 2015, une troisième cuve de 6000 m3 a été construite pour STMicro à Crolles, entièrement financée par la mairie de la ville (à hauteur de 1,7 million d’euros) et le Sierg (430 000 euros par le syndicat intercommunal des eaux de la région grenobloise). » [13]

Dans son rapport d’activité de 2020, le directeur général des Eaux de Grenoble évoque « la poursuite des augmentations importantes des volumes livrés à la Communauté deCommunes Le Grésivaudan observées depuis 5 ans (qui) a nécessité un suivi rapproché en exploitation et des travaux d’aménagements de certaines installations d’adduction. La qualité d’exploitant nous fait constater que les infrastructures acheminant l’eau a clairement atteint ses limites  (vitesse dans canalisation, fonctionnement ouvrages 24h/24 en débit de pointe, casse de pompes...) et n’est plus adapté aux besoins actuels et futurs proches. Certains travaux sont encore à réaliser dans l’urgence pour subvenir aux besoins des industriels (ST Microelectroniscs à Crolles et Soitec à Bernin) en répondant à la demande à très courts termes. » [14]

Petite victoire, et pas des moindres, la mobilisation citoyenne, portée entre autre par le collectif StopMicro, a permis d’obtenir qu’à partir de juillet 2023, STMicroelectronics paie l’eau au même tarif que tout le monde ! Et oui, jusque là, l’entreprise bénéficiait de tarif préférentiel et la payait 4 fois moins cher !… [17]

 

* Des subventions publiques énormes, un chantage à l’emploi discutable

En tant que principal employeur de la région [15], STMicroelectronics touche régulièrement d’importantes subventions publiques au titre de l’innovation ou de la préservation des emplois sur le territoire. Le plan Nano 2017 lui avait par exemple rapporté 1,1 Milliard d’euros [16]. Pour l’aider à financer son agrandissement (projet à 5,3 milliards d’euros), STMicroelectronics a touché en 2022, 2,3 Milliards d’€ de fonds publiques !… Tout en promettant de créer 1000 emplois !… à plus de 2millions de subventions publiques par emplois créés, on aurait envie de suggérer à l’État de les employer à des fins plus utiles que la fabrication de puces électroniques, non ?...

 

* Mais à quoi servent ces puces ?

On retrouve les puces de STMicroelectronics dans de très nombreux objets électroniques de notre quotidien : téléphone, ordinateur, objets connectés, etc.

Mais d’après le collectif StopMicro, « La production de semi-conducteurs est toujours duale, c’est à dire qu’elle sert à la fois les usages civils et à la fois ceux militaires. Il est dur d’avoir accès à des informations précises sur l’implication de ces entreprises avec l’industrie de l’armement car celle-ci est majoritairement cachée (secret défense, ventes clandestines, etc.). » On sait par contre que « Des microcontrôleurs STM32 ont été retrouvés dans des drones russes utilisés en Ukraine (Oraln-10, E95M, Eleron-35V, Koub-B1A), et des puces ont été retrouvées dans les systèmes de guidage des missiles Kh-101 utilisés contre les civils et les infrastructures en Ukraine.» [18]

 

Pour finir, malgré toutes ces problématiques soulevées, on peut s’étonner que, localement, les élu·e·s de quelque bord que ce soit restent relativement silencieux, en appelant, au mieux, à la vigilance et à la prudence vis à vis des questions environnementales… [7]



[1] Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron se sont tour à tour déplacés à Crolles pour des visites officielles. https://www.lepostillon.org/Seule-la-contestation-est-sobre.html

[2] https://www.usinenouvelle.com/article/au-c-ur-de-la-silicon-valley-francaise-chez-stmicroelectronics-a-crolles.N1081259

[3] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/pays-bas-toujours-le-paradis-des-multinationales-2953500

[4] https://reporterre.net/En-Isere-l-industrie-electronique-boit-toute-l-eau

[5] https://stopmicro38.noblogs.org/questions-reponses/

[6] https://www.lepostillon.org/De-l-eau-il-y-en-a-pour-STMicro.html

[7] https://www.lepostillon.org/Ultra-mega-bassine-de-ST-Micro-a-quand-un-soulevement.html

[8] https://www.lepostillon.org/Comment-STMicro-pollue-l-eau.html

[9] https://stopmicro38.noblogs.org/questions-reponses/

[10] https://www.lepostillon.org/De-l-eau-pour-les-puces-eleCtroniques-mais-pas-pour-les-legumes.html

https://www.lepostillon.org/De-l-eau-il-y-en-a-pour-STMicro.html

https://www.lepostillon.org/L-eau-potable-ranconnee-par-l-industrie-des-puces-electroniques-suite.html

[11] https://www.lepostillon.org/Comment-STMicro-pollue-l-eau.html

[12] https://www.eauxdegrenoblealpes.fr/

[13] https://www.lepostillon.org/De-l-eau-il-y-en-a-pour-STMicro.html

https://www.lepostillon.org/STMicro-Soitec-toujours-plus-d-eau-pompee.html

[14] https://www.eauxdegrenoblealpes.fr/cms_viewFile.php?idtf=4066&path=RA2020-interactif.pdf

[15] https://www.verif.com/Hit-parade/01-CA/01-Par-departement/38-Isere/

[16] https://www.lepostillon.org/De-l-eau-il-y-en-a-pour-STMicro.html

[17] https://stopmicro38.noblogs.org/chronologie-de-la-lutte/

[18] https://www.obsarm.info/spip.php?article502

 

Mis à jour : le 5 octobre 2023 10:54

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